Bonjour, j'ai 50 ans et il y a quelques semaines, j'ai découvert que j'avais un frère jumeaux mort à 5 mois de grosses. Depuis, je suis en deuil malgré moi. J'ai écrit ce texte pour lui. Je vous le livre parce que j'ai un besoin irrépressible que la terre entière sache. Merci de me lire :
Nils, mon frère jumeau,
Nils, je ne te savais pas en moi depuis tout ce temps. Tu étais là, pleurant mes larmes, souffrant mes blessures, me plongeant dans tes abymes, sectionnant mes cordes de secours, hurlant ta détresse de ne pas pouvoir mourir tout à fait. Je n?ai pas compris tes appels, me les renvoyant au c?ur meurtri, m?épuisant à regarder ailleurs. Je te croyais moi, tentais de m?unir à nouveau, me cherchais sans te savoir, m?empêchant de vivre, t?empêchant de mourir. Tes appels, je les ai crus miens, cris à la vie empreints du manque de repos de nos âmes. Comment pouvais-je comprendre ? A ce stade, nous n?étions qu?âmes liées, chairs se construisant ensemble, fluides partagés, mouvement de mélange.
Nils, lorsque tu as été assassiné, je me suis plongée dans cette équivalence complexe de penser qu?une partie de moi-même s?était dissoute. Cette partie de bien-être, de partage, d?amour pur et unique. Je n?ai pas compris que c?était toi. Depuis, je nous cherche en d?autres. Je nous ai associés au bonheur, aux heures heureuses, à la plénitude, à la complétude. Quête de ce temps présent, passé en ton absence éternelle.
Nils, pardonne-moi de n?avoir pas compris ton entité, pardonne-moi de nous avoir amalgamés, ensemble mi- vivant, mi- mort. Nils, je te pardonne d?avoir maintenu ta présence, de nous avoir amalgamés, ensemble mi- mort, mi- vivant. Chacun bringuebalant sur notre chemin cahoteux. J?ai senti que quelqu?un voulait mourir, j?ai pensé que c?était moi, je me suis assassinée de nombreuses façons, me mutilant de tes apports, survivant malgré tout, heureuse parfois, énergie d?autres abreuvant mes inexistences passagères. Tu as senti que quelqu?un voulait vivre, tu as pensé que c?était toi, tu t?es ressuscité de nombreuses façons, te construisant de mes apports, mourant malgré tout, triste parfois, énergie d?autres abreuvant tes existences passagères.
Nils, à présent notre mémoire se rappelle à nous, frère et s?ur jumeaux, nous voilà identifiés, reconnus. Elle nous plonge alors dans ce temps où nous vivions ensemble. Nous nous voulons beaux, fragiles, rieurs, espiègles, aimants, fidèles, frère et s?ur. Nous nous voulons répondant à notre idéal. Nous nous voulons, liés en toutes choses, inséparables, fusionnels, symbiotiques. Nous nous voulons encore. Encore un peu, un instant seulement, une survivance de ce temps partagé. Nous nous délectons à nous vivre, grandis ensemble. Nous nous voulons protecteurs l?un de l?autre, conquérants, complétude idéale des forces et défaillances. Tout est si simple, immense infini de potentiels colorés de nos imaginaires. Nils, ce temps de reconnaissance, passage de nos vies présentes, nous idéalise, nous sanctifie.
Nils, ce temps passé ensemble, nous l?avons désiré avenir, destin, quête entretenue d?espoir de nous revivre.
Nils, nous n?avons vécu, nous ne sommes morts, qu?à notre recherche.
Nils, à présent, nous nous sommes retrouvés. Nous le sentons, cette quête est achevée. Nous ressentons alors ce bonheur immense de nous savoir, nous ressentons alors cette tristesse infinie de nous perdre à nouveau. Parfois, à revivre nos échanges, nous nous complaisons à les vouloir éternels. Parfois à revivre nos échanges, nous les ressentons mortels. Nous sommes là, nous balançant hors du temps, vivre ou mourir, que nous importe tant que nous sommes réunis.
Nils, nos chemins ne peuvent correspondre.
Nils,
Nils, donnons-nous ce cadeau d?amour, enlaçons-nous encore un peu,
Nils, c?est si difficile de nous dire adieu.
Nils, Adieu, Nils, Nils, Nils